La guerre chimique a beaucoup marqué les mentalités pendant et après la guerre : les représentations artistiques et les récits en témoignent largement. L’histoire de l’arme chimique au cours de la guerre de 1914-1918 est frappée du sceau d’un paradoxe. Si on associe immanquablement les gaz à l’évocation de ce conflit, force est toutefois de constater que l’on sait peu de choses sur cette “guerre dans la guerre”. On ne manque ainsi jamais de souligner les souffrances inouïes endurées par les combattants des deux camps, d’évoquer les ravages provoqués par les gaz. Pourtant, un examen attentif des pertes françaises causées par les gaz sur l’ensemble du front entre février et octobre 1916 permet de constater qu’elles ne représentent que 0,2 % des pertes totales. Au-delà du mythe, il semble donc légitime de s’interroger sur la réalité militaire et l’impact de ces armes sur les champs de bataille de la Grande Guerre. Des controverses perdurent, dont la moindre n’est pas de savoir qui fut le véritable initiateur de la guerre chimique. À l’évidence, l’apparition de l’arme chimique sur le champ de bataille de la Grande Guerre ne peut être considérée comme une simple innovation technique. Peut-on pour autant en conclure que son utilisation marque l’avènement de la guerre totale ? Les armes chimiques ont-elles été ainsi les premières armes conçues non pas pour conquérir le territoire ennemi mais pour anéantir physiquement l’adversaire ? Le propos est donc de tenter de mettre en lumière quel a été l’impact de l’arme chimique sur le déroulement des hostilités tant du point de vue humain, industriel, tactique, que stratégique.