DERNIERS JOURS Ă SHIBATI
de Hendrick Dusollier (2017)
(2017 – VOST) DurĂ©e 1h00 + dĂ©bat
Vendredi 24 novembre 2023 Ă 19h00
Projection suivie d’un Ă©change animĂ© par Jehanne BrĂ©chet-Bouix, enseignante d’analyse filmique et d’histoire du cinĂ©ma.
đïžPublic adulte. EntrĂ©e gratuite sur rĂ©servation au 04.67.22.22.31, par mail ou directement en mĂ©diathĂšque.
Dans la ville de Chongqing â 33 millions dâhabitants, la plus grosse agglomĂ©ration de Chine â se trouve le quartier trĂšs pauvre de Shibati. Câest lĂ que le documentariste français Hendrick Dusollier pose sa camĂ©ra, ou plutĂŽt se glisse, camĂ©ra en main, dans les ruelles sinueuses et dĂ©labrĂ©es. Ce qui fait tout le prix de Derniers jours Ă Shibati, multiprimĂ© dans plusieurs festivals internationaux (Prix spĂ©cial du jury Ă lâIDFA Amsterdam 2017, Prix du jury des jeunes au festival CinĂ©ma du rĂ©el 2018), câest que Dusollier, dont le premier film, Obras, rĂ©alisĂ© en 2005, Ă©tait dĂ©jĂ un voyage Ă travers de vieux quartiers en destruction, Ă Barcelone, ne se donne aucun air de documentariste français venu filmer la misĂšre Ă lâautre bout du monde. Son dispositif est tel quâil Ă©chappe Ă tous les Ă©cueils qui auraient pu miner un tel projet, Ă commencer par une position de surplomb. Pour y Ă©chapper, le rĂ©alisateur fait dâabord le choix de dĂ©barquer en Chine sans interprĂšte et, visiblement, sans comprendre un mot de ce quâon lui raconte. Les derniers habitants du quartier se moquent tendrement de lui â « Sâil vient ici, câest que ça doit ĂȘtre un paumĂ© dans son pays » â, se demandent quel est lâintĂ©rĂȘt de venir filmer ici et se prĂ©occupent finalement de savoir sâil a mangĂ©. Des boutades et des attentions qui le font dâemblĂ©e descendre de son rĂŽle de documentariste tout-puissant. Loin de se cacher derriĂšre sa camĂ©ra pour devenir un pur Ćil ethnologique, Hendrick Dusollier prĂ©fĂšre compter avec son corps, se laisser guider par les habitants, suivre un enfant, une vieille dame qui sâest construit la « maison de ses pensĂ©es » en entassant des objets trouvĂ©s dans les poubelles du quartier. Des personnages qui, bien loin de se plaindre de vivre dans de telles conditions, regrettent de devoir aller habiter dans des appartements modernes. En ce sens, Derniers jours Ă Shibati ne filme pas tragiquement la pauvretĂ©, mais donne le sentiment dâavoir trouvĂ©, dans une grande ville urbaine, un passage secret qui donne sur un pays imaginaire bientĂŽt vouĂ© Ă la destruction. Murielle Joudet pour Le Monde