UNE VOIX SOUDAINE, Taeko Kôno

Ukiko a cessé d’aimer son mari, Kiichi qui, le soir, rentre à la maison, ivre mort ou en compagnie de collègues avec lesquels il se saoule devant elle. Hantée par ses angoisses d’enfance et d’adolescence, tourmentée par la mort de son père qu’elle redoutait dans sa jeunesse, elle sombre progressivement dans une sorte de calme folie. Elle reçoit, de façon inopinée mais récurrente, la visite du fantôme de son père, décédé sept ans plus tôt. Avec sérénité, le mort oriente sa vie, en lui donnant une série de conseils meurtriers. Ukiko va accomplir trois crimes rituels, dont seront victimes sa mère, un petit garçon (le fils d’un ancien amant) et un inconnu. Dans un style étonnamment froid et réaliste, qui suit pas à pas une existence apparemment affranchie de tout affect, la grande romancière japonaise décrit minutieusement un univers mental qui a perdu tout repère moral et sentimental. Ça et là, sont donnés des indices de la perte du contrôle de soi, mais le lecteur n’est jamais plongé dans un univers fantastique, en dépit de l’apparition du spectre et de quelques scènes terrifiantes. Rares sont les romans dotés de cette logique implacable et glacée dans l’analyse du mal. Sans avoir recours aux moyens psychologiques habituels, Taeko Kôno nous permet de pénétrer, par un juste dosage des ellipses et des répétitions, dans le chaos intérieur de son héroïne.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *


La période de vérification reCAPTCHA a expiré. Veuillez recharger la page.