Tout le monde connaît la pop, la reconnaît, a un avis sur elle. Pourtant, sa singularité artistique et philosophique reste peu interrogée, comme si un tabou pesait sur cette forme musicale née au début du XXe siècle et dont le destin est lié à ses conditions techniques de production et de diffusion. Son ancrage, essentiel, dans le monde de la phonographie, est généralement interprété comme le trait honteux d’une musique qui aurait cessé d’en être tout à fait une, jusqu’à s’identifier aux « sons du capitalisme » qui déguisent en sucreries auditives les grognements de la bête immonde. L’enregistrement et ses conséquences auraient avant tout dégradé la musique, altéré ce qui la préservait – imagine-t-on – de la standardisation, jusqu’à produire à la chaîne une forme de musique consommable, accessible à tous, universellement médiocre. Des hits d’ABBA aux hymnes de Beyoncé, la pop serait structurellement inauthentique. Dans cet ouvrage, Agnès Gayraud se penche sur la profondeur de cette musique longtemps qualifiée de « légère » et cantonnée à un statut d’objet de consommation. Elle y déploie tous ses paradoxes, au coeur des oeuvres musicales elles-mêmes, pour révéler les ramifications esthétiques d’une richesse insoupçonnée de ce qui a peut-être été l’art musical le plus important du XXe siècle.